En Angleterre, les drapeaux de Saint-Georges (drapeau de la nation anglaise) fleurissent ces derniers temps. Poussée patriotique ou poussée xénophobe et anti-immigration ? s’interroge Nick Spencer, membre d’un groupe de réflexion sur la place de la religion dans la société au Royaume-Uni (https://www.theosthinktank.co.uk/).
Un drapeau est un symbole ambivalent, que l’on habite selon nos convictions. Aujourd’hui, certains l’arborent pour montrer leur attachement à la culture anglaise et aux valeurs morales qu’elle porte, face à un relativisme moral facilité par le libéralisme politique. D’autres pour affirmer qu’ils sont « anglais de souche » et exclure ceux qui ne le seraient pas. L’ultra-nationalisme essentialise la nationalité, la réduit aux liens du sang, économisant aupassage l’effort moral d’incarner, de faire vivre les valeurs qui sont au cœur de la culture nationale, d’en débattre avec ceux qui comprennent autrement ces valeurs en puisant aux mêmes références culturelles.
Or le drapeau, poursuit Nick Spencer, joue un rôle de « centre de gravité » pour la communauté humaine qu’est une nation. Les symboles ont leur importance dans les groupes, les communautés, pour créer du lien et faciliter la solidarité entre leurs membres. Et les communautés nationales sont un lieu essentiel, aujourd’hui, d’organisation de la solidarité nationale sous forme de redistribution et donc d’une forme de justice. Et le philosophe Michael Walzer insiste sur l’importance de la culture– et souvent de la religion pour favoriser la solidarité, le soin et l’attention envers les « non-rentables » (enfants, personnes âgées et malades), dans les groupes et les communautés, pour créer du lien.
Parce qu’elle est ce lieu de solidarité, il importe de ne pas laisser les symboles de la communauté nationale être accaparés par les ultra-nationalistes. Aussi Spencer invite-t-il à arborer le drapeau national aussi sur tous les lieux et dans toutes les activités où se manifeste le lien humain, la solidarité, l’accueil des réfugiés ; bref, les lieux où les valeurs communes et leurs implications sont débattues, vécues, incarnées. Pour qu’un drapeau national ne représente pas l’hostilité envers ceux qui sont différents mais l’accueil de ceux qui sont fatigués, rompus, seuls, souffrants ; en particulier lorsque sur ce drapeau figure une croix.
Claire SIXT-GATEUILLE