Le Carême, origines, sens, traditions et pratiques

Nous voici entrés en Carême depuis le 14 février, « Mercredi des Cendres » lendemain du « Mardi Gras ». Enfant, cela me semblait dommage, bizarre en tous cas, qu’au lendemain d’une soirée de fêtes, surtout agrémentée de crêpes, il faille évoquer la repentance, voire la tristesse symbolisée par des cendres !

Mais revenons au sens et aux origines de cette période, temps de préparation qui nous amène à Pâques. Il évoque les quarante jours pendant lesquels Jésus est poussé par l’Esprit au désert : « Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit, pour être tenté par le diable. Il jeûna quarante jours et quarante nuits, après quoi il eut faim. » (Mt 6.1-2) « Aussitôt après, l’Esprit le pousse au désert. Et il demeura dans le désert quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient. » (Mc 1.12-13) « Jésus, rempli de l’Esprit Saint, revint des bords du Jourdain et fut conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et lorsqu’ils furent écoulés, il eut faim. » (Lc 4.1-2) Ces quarante jours rappellent bien sûr les quarante années passées par Israël au désert où la nourriture fut plus frugale que celle dont le peuple jouissait en Égypte et celle dont il bénéficiera en Canaan, même agrémentée de manne et de cailles. Remarquons qu’alors que Mathieu et Luc suggèrent un jeûne absolu, pour Marc, les anges servent Jésus tout comme les corbeaux servaient Élie lors de la sécheresse en Israël (1R 17.2-6). Évoquer l’épisode précédant le début du ministère de Jésus pour aboutir à la semaine sainte qui en marque la fin peut sembler paradoxal mais après tout, nous pouvons y voir une synthèse nous invitant à nous rappeler l’ensemble des paroles de Jésus avant de célébrer sa mort et sa résurrection.

À partir de la première moitié du IIIe s., le Carême fut institué pour évoquer le jeûne de Jésus lors des 40 jours au désert. D’une durée de 7 jours au départ (la semaine précédant Pâques), il fut progressivement étendu à 6 semaines pour les chrétiens latins et 7 semaines pour les chrétiens grecs. Il consistait au début à ne prendre qu’un repas par jour après le coucher du soleil (ceci vous évoque quelque chose, non ?) à l’exception des dimanches qui ne furent jamais un jour de jeûne obligatoire (c’est le jour du Seigneur). Par la suite, ce repas quotidien fut déplacé à 15h, puis vers midi sous Charlemagne.
Quelques fidèles pratiquaient un jeûne absolu le samedi saint, évoquant ainsi Jésus au séjour des morts.

Au XIe siècle, les quatre premiers jours furent rajoutés à partir du Mercredi des Cendres, ceci pour tenir compte des six dimanches à défalquer des 46 jours au total et retomber sur 40. Au début du XVIe siècle s’introduisit l’usage de compléter ce repas de la journée d’une petite réfection (repas) le soir, appelée collation (du latin collatio : conférence), car elle fut autorisée après la conférence fixée à ce moment de la journée par les règles monastiques. On peut remarquer que les Protestants poursuivent cette tradition avec les conférences du Carême protestant ! L’usage tempérant de plus en plus la rigueur de l’abstinence, la viande fut admise au repas un, puis deux, puis même trois jours par semaine (pas le vendredi, bien entendu). Les Orientaux de leur côté se sont interdit pendant la durée du Carême non seulement la viande mais également poisson, œufs, laitages et huile. Signalons au passage, que l’Avent, période de préparation de Noël, fut autrefois, comme le Carême, une période de jeûne.

Que nous disent les Évangiles sur la pratique du jeûne ? « Alors les disciples de Jean l’abordent et lui disent : « Pourquoi, alors que nous et les Pharisiens nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Jésus leur répondit : « Les compagnons de l’époux peuvent-ils mener le deuil tant que l’époux est avec eux ? Viendront des jours où l’époux leur sera enlevé et alors, ils jeûneront » (Mt 9.14-15). « Lorsque vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour qu’on voie bien qu’ils jeûnent. En vérité, je vous le dis, ils ont déjà leur récompense.Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là dans le secret, et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6.16-18). Ce dernier passage suit immédiatement l’injonction de faire l’aumône en secret, de prier en secret ainsi que la version longue du Notre Père telle que nous la récitons.

Le jeûne n’est donc ni une mortification, ni une manière de prouver aux autres et surtout à soi-même que nous avons la maîtrise sur notre corps, mais une prière. Jésus était en prière au désert, ce qui lui permit de répondre au « diviseur » (Satan). Les Protestants peuvent pratiquer le jeûne pendant le Carême ou à d’autres périodes. Certains le font, sans doute, mais, fidèles aux injonctions de Mathieu, ils n’en parlent pas !
Bonne fin de Carême pour cheminer jusqu’à Pâques !

Jean-Louis Nosley

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