Edito mois de mai

L’édito de mai était terminé. Hélas, un appel téléphonique me dit que Notre-Dame de Paris est en flammes ! Comme tout le monde cette nouvelle me chagrine. Des souvenirs personnels, des balades sur les quais, une réunion œcuménique… Tant de choses me rattachent à ce lieu ! Mais cet événement dépasse ma petite vie.

Notre pensée va d’abord à nos frères catholiques. Pour eux, la cathédrale est un lieu saint, un reliquaire, avec, entre autres, la couronne d’épine du Christ, les reliques de saint Denis et celles de sainte Geneviève. À la fin du XIIe siècle, l’évêque Sully avait fait construire cette cathédrale comme un lieu de culte et de prières, un lieu de souvenirs, un lieu porteur d’âme.

Les Parisiens aussi sont touchés, car là bat le cœur de Paris, l’histoire de la ville depuis que sainte Geneviève l’a, dit-on, protégée des Huns. Histoire de France, histoire de la littérature, histoire des hommes, visiteurs, pèlerins, amoureux du jardin de l’évêché se retrouvent là… Histoire de l’architecture, histoire de l’aventure du gothique qui dit, du XIe au XIIIème siècle, la renaissance médiévale.

Histoire du monde aussi, car tant de chefs d’État se sont retrouvés là, tant de peuples sont venus. Notre-Dame de Paris appartient au patrimoine de l’humanité, et cela inspire une première réflexion : d’Angkor à Notre-Dame en passant par la mosquée d’Omar, la mondialisation nous fait prendre conscience de la richesse de l’humain, et les témoins de cette richesse n’appartiennent plus au sol qui les porte, mais à l’ensemble des Nations. L’art et la beauté, dans leur profondeur, leur esthétique chaque fois particulière, leur spiritualité, sont les témoins irremplaçables de l’unité et de la spécificité du genre humain. L’émoi international que provoque l’incendie est normal.

Une seconde réflexion cependant, bien protestante : les temples de pierre, aussi formidables soient-ils, ne peuvent durer éternellement. L’usure du temps, la bêtise des hommes, le hasard d’un accident ont raison, tôt ou tard, de ces bâtiments. Le temple de l’Esprit n’est pas dans un joyau de pierre mais dans le cœur des hommes. L’Esprit nous révèle que chaque être humain a une valeur inestimable. Si le malheur de l’Île de la Cité nous rappelle cela, c’est déjà bien…

En attendant, il faut préserver, se souvenir, reconstruire, restaurer le témoin du passé pour vivre un présent ouvert sur l’avenir.

Vincens Hubac

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