Soyons des veilleurs !

Au début de l’été arrive en Italie un bateau avec 40 migrants. Il fallait bien faire quelque chose pour les malheureux à bord. Aussitôt à quai, la capitaine est arrêtée, puisque les ports italiens sont fermés aux bateaux des ONG qui portent secours aux naufragés venus de Libye. Quelques jours plus tard, un camp de réfugiés est bombardé par l’aviation libyenne… Des dizaines de morts. On en a peu parlé. Un attentat sur le sol européen aurait fait plus de bruit dans les médias : les morts n’ont pas tous la même valeur !

Comment, dans des pays chrétiens depuis des siècles, en arrive-t-on à une telle indifférence face à des problèmes humains de cette ampleur ?
Même si le christianisme est désormais minoritaire, il a quand même laissé quelques empreintes dans la culture ? Nous assistons à un fiasco de la religion de l’amour, que l’égoïsme, l’orgueil, les intérêts privés ont balayée avec une facilité déconcertante…
Mais ne soyons pas trop pessimistes. La capitaine du bateau s’inscrit dans une longue liste de combattants pour la justice, la liberté, la dignité humaine et la tolérance.

En écrivant ces lignes sous le soleil d’été je pense à ces enfants protestants qui, refusant le catholicisme imposé la la Révocation de l’Édit de Nantes, en 1685 par le très chrétien Louis XIV, fuyaient l’école des bons pères pour se cacher dans la campagne – les buissons –, d’où l’expression « faire l’école buissonnière ». Là, en toute liberté, ils pouvaient vivre leur protestantisme, ils ont résisté à leur manière, comme les femmes de la Tour de Constance et beaucoup d’autres.

Plus près de nous, les « justes », ainsi appelés parce qu’ils ont contribué à sauver des Juifs pendant la guerre de 39-45, viennent apporter une belle lumière sur une période très sombre de l’histoire. Non, nous ne sommes pas obligés d’obéir aux lois de l’État quand celles-ci sont injustes, et la capitaine du navire des migrants a bien raison.
Nos Églises se doivent d’être prophétiques, d’annoncer la Parole de Dieu, d’un Dieu de justice qui aime le monde. Les chrétiens doivent ainsi être des veilleurs et une lumière dans ce monde si matérialiste. Dénoncer, parler, révéler, là où nous sommes – dans la famille, le lieu de travail, l’espace des loisirs, le temple (aussi) –, ce n’est pas une obligation, mais un témoignage qui donne sens et espérance à tous. Que cela soit notre message pour l’exercice 2019-2020 qui s’ouvre devant nous en cette rentrée.

Vincens Hubac