ÉLOGE DE L’ORDINAIRE

Ah, l’ordinaire, ce mot mal-aimé, qu’on trouve volontiers péjoratif, voire vulgaire ! Si une chose est « ordinaire », c’est que cela ne sort pas de la moyenne, d’un magma informe où rien ne dépasse. Une personne « ordinaire », c’est une personne à laquelle on ne fait pas attention, qui se fond dans un groupe. Les responsables de ressources humaines ou les coaches personnels vous le diront, il faut se
démarquer, se mettre en valeur, sortir de cet ordinaire qui n’a, a priori, aucun intérêt.

Et pourtant… L’ordinaire, c’est ce qui permet de tester une relation, un engagement, une initiative, un projet. Il est aisé d’investir dans un vélo et de faire quelques kilomètres chaque jour pour aller travailler lorsqu’il fait beau et qu’on est en forme. Cela devient plus difficile lorsque le jour se lève plus tard, que les températures baissent et que la pluie dure pendant plusieurs jours !

Dans une relation amicale ou amoureuse, l’ordinaire peut donner l’impression de « diluer » les sentiments que l’on a l’un pour l’autre. « Miauler ‘je t’aime’ tout le monde peut le faire, c’est comme ‘amen’, c’est pas très dur ; pour dire ‘bonne nuit’ chaque soir, là, faut vraiment y croire », chante Bénabar1, qui n’hésite pas à mettre en parallèle vie de couple et vie de foi. Les personnes qui se sont essayées à la vie communautaire, pendant une retraite par exemple2, l’ont expérimenté : la vie de foi au quotidien, ce n’est pas constitué que de temps forts comme peuvent l’être les différentes fêtes liturgiques. Vivre selon une règle rythme les jours mais
laisse aussi expérimenter des périodes de sécheresse, de désert spirituel. Est-ce pour autant un abandon de la part de Dieu ?

Job, lui aussi, l’a expérimenté. Job, c’est cet homme dont parle le livre éponyme dans la Bible, qui a tout ce qu’un homme peut souhaiter : une épouse aimante, de nombreux enfants, de grandes richesses, sans parler de sa santé éblouissante… Il loue le Seigneur, qui le met à l’épreuve : maladie, mort de son entourage, pauvreté. Job se révolte alors, mais ne renie jamais sa foi.

Sans affronter autant de malheurs que Job, nous pouvons, nous aussi, choisir de vivre paisiblement ces jours ordinaires en savourant ce que nous avons, en cultivant notre relation à Dieu… En attendant les fêtes et la joie de les préparer.

Arthur GERSTLÉ-JOLY

(1) Bénabar, Les mots d’amour, album Les
risques du métier, 2003.
(2) De nombreuses communautés protestantes le
permettent : Diaconesses, Pomeyrol, Taizé, Val-leraugues, Grandchamp