Partir

L’aventure biblique est marquée par le voyage : celui d’Abraham abandonnant Ur pour la Palestine, celui de Moïse et des Hébreux sortant d’Égypte, l’exil à Babylone et le retour à Jérusalem. Toujours des temps forts, des moments où Dieu se révèle comme le Dieu des pères, le Dieu du peuple fidèle et épris de justice. Les discours prophétiques qui accompagnent ces voyages révèlent peu à peu Dieu qui apparaît en plénitude dans le Nouveau Testament : un Dieu amour comme l’écrit Jean. Le message de la grâce qui passe des Hébreux au monde implique des déplacements multipliés. À l’instar de Jésus qui ne tient pas en place, les apôtres se lancent sur les routes du monde. Sans mouvement, pas de rencontre, pas d’évangélisation.

L’humanité a toujours bougé. Partie d’Afrique il y a des millions d’années, notre espèce a peuplé le monde par vagues successives, et l’histoire nous apprend que les migrations ont été incessantes. Les routes existent depuis l’aube de l’humanité. La fuite, le commerce, la curiosité, la recherche de nouvelles richesses, l’échange culturel, l’aventure, la guerre sont des mobiles puissants qui poussent les hommes sur les routes. Aujourd’hui les étudiants vont en stage à l’étranger, les vacanciers volent vers des rives ensoleillées. D’autres peuplent des stades lointains pour des jeux olympiques ou des coupes du monde de foot!… Retour aussi sur les terres des ancêtres où l’on se ressource, ainsi tel village des Cévennes multiplie sa population par dix entre l’hiver et l’été ! Sans compter les déplacements pendulaires quotidiens des travailleurs. Va-et-vient de millions de personnes… L’humanité est une vraie fourmilière.

Hélas, catastrophes, misère ou guerre, politiques absurdes et injustes poussent des milliers de gens sur les routes de l’exode. Nouveaux horizons, lendemains qui chantent, espoirs donnent la force de tout abandonner… Mais la croissance des masses humaines est telle que les problèmes migratoires d’aujourd’hui ne sont que les prémices d’un avenir qui sera dur à gérer. Les drames dont la presse se fait écho – un enfant mort sur une plage ou un bateau errant de port en port – illustrent le quotidien de trop nombreuses personnes dans le monde. Ignorer le problème est criminel et ne résout rien. Refuser d’accueillir la détresse est moralement insoutenable. Accueillir tout le monde dans des conditions correctes nécessite un changement de mentalité et de société considérable et long à mettre en place…

L’information reste fondamentale, la révision des politiques internationales pour aider les pays de départ est nécessaire, accueillir quand on peut le faire est en grande partie la solution dans l’immédiat. Faire ce qu’on peut en ayant conscience que la diaconie est école de modestie est sans doute la voie la meilleure. Logeons, mettons en place le français langue étrangère, aidons à constituer des dossiers, etc. À chacun d’agir selon ses possibilités et ses charismes. Mais surtout, quand nous partons en vacances, n’oublions ni ceux qui restent ni ceux qui errent, en fuite, sur les routes du monde.

Vincens Hubac

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